Tourisme béninois, entre innovation et fermeture des ambassades

Le tourisme constitue un formidable levier économique pour les pays développés tout comme ceux en voie de développement. Les grandes nations savent qu’un touriste heureux ne compte pas et pour se faire, la multiplication d’attractions touristiques et événements de tous genres afin de drainer les étrangers chez eux devient un enjeu politique.

En 2019, 86 millions de touristes ont visité la France; l’Allemagne, la Turquie et la Grande Bretagne ont quant à eux attiré chacun 37 millions d’âmes en quête d’aventure.

Contrairement aux pays occidentaux, les pays ouest-africains semblent avoir du mal à se doter de politiques stratégiques bien définies dans le secteur touristique. Dans le lot, seuls la Côte d’Ivoire, le Nigéria et le Sénégal arrivent à franchir le cap du million de touristes par an.

Si l’offre touristique constitue un facteur déterminant dans le choix pour les pays les mieux visités, les décisions des voyageurs fortunés sont souvent liées à des facteurs classiques tels que la sécurité, le confort et la liberté de mouvement.

Le Bénin depuis 2016 a choisi de miser sur son patrimoine géographique et historique. En plus d’être le pays du vodoun, il y fait bon vivre et la stabilité des institutions en fait une excellente escale. Pour rappel, le tourisme béninois est la deuxième source d’entrée de devises, et le troisième secteur pourvoyeur d’emplois après l’agriculture et le commerce.

Les occidentaux sont les premiers touristes à s’intéresser aux vestiges des civilisations africaines, c’est aussi les premiers à prendre au sérieux les questions sécuritaires lorsqu‘ils se déplacent hors de chez eux, surtout lorsqu’ils descendent vers les pays du sud.

Malgré la quasi inexistence de programme à proprement parler des pays du sud en terme de variété dans les choix proposés, les atouts naturels représentent les premiers éléments qui attirent les touristes occidentaux vers les pays chauds. Aussi, la plupart d’entre eux savent d’avance les risques auxquels ils sont confrontés lorsqu’ils se décident à tenter l’aventure. De ce fait, le rôle que joue la présence des représentations diplomatiques des pays du sud en occident n’est pas à négliger. Du point de vue du touriste occidental, les ambassades et consulats représentent sans équivoques les premiers points de contact avec les civilisations étrangères, aussi la présence de ces institutions sur leur sol est au dela du symbolique, le premier lieu de recueillement en cas de problème.

Un pays voulant attirer des touristes anglais, français ou allemands sur le long terme devrait multiplier la présence d’ambassadeurs et de consulats sur leur sol. La seule présence de ces institutions, et souvent, l’évocation de leur présence suffit largement à réconforter les esprits. Au regard de cette situation, et tout en étant conscient du sentiment d’apaisement qu‘une bonne entente diplomatique représente pour une nation, quelle crédibilité donner à un État qui d‘une part retire ses institutions diplomatiques d’un pays et de l’autre investit dans le tourisme pour séduire sa population? Il serait légitime de se demander aussi si le pays dispose réellement des moyens capables d’assurer la protection et la sécurité de ses hôtes.

La vague de fermeture des ambassades décrétée par le gouvernement béninois est selon le professeur émérite béninois, Faustin Aïssi, une catastrophe diplomatique. Au delà de la diplomatie, elle pourrait s’étendre au secteur touristique. Les motivations réelles de cette décision sont d’autant plus floues qu’elles sont centrées autour de questions économiques à l’heure ou une grande partie du programme d’action du gouvernement Talon est axée sur l’attraction touristique et les divers mécanismes à mettre en œuvre pour amorcer les affluences vers le Bénin.

Il y a quelques mois, l’ambassade française au Bénin et plus précisément le Quai d‘Orsay avaient classé le nord du Bénin parmi les zones à risque à éviter à cause des activités terroristes qui s’exerçaient de part et d’autres des frontières avec le Burkina Faso. Le sentiment d’insécurité que ces diverses notes diplomatiques ont engendré dans le monde va-t-il s‘atténuer avec l’annonce faite de retirer les représentations diplomatiques béninoises de la plupart des grandes nations occidentales?

Le ministère des affaires étrangères du Bénin a mis sur pied un site internet dénommé evisa. Ce site est sensé permettre aux ressortissants étrangers de faire des demandes de visa en ligne. De ce point de vue, plus besoin de s’adresser aux ambassades et consulats pour l’obtention d’un visa.

Pourtant, des questions subsistent. Ce site à lui seul suffit-il pour répondre aux préoccupations des touristes? À quelle institution béninoise un touriste allemand ou les familles de ressortissants allemands pourraient-elles s’adresser face à une urgence ?

Tout laisse à penser que les raisons évoquées pour rentrer dans cette spirale de fermeture des ambassades béninoises ne seraient pas que économiques, car si tel était le cas, le manque à gagner que cela engendrera dans le secteur touristique, après la crise sanitaire liée à la pandémie du COVID 19, ne serait pas négligé à ce point.

Faudrait-il attendre que les entreprises ancrées dans le secteur touristique béninois commencent à faire faillite avant d’en rechercher les causes ?