Hommage à feu Professeur- Ingénieur ENIANLOKO HOUESSOU Codjo: #26 Le Ministre Alassane TIGRI témoigne

Cotonou, le 23 octobre 2020

Je devais être en classe de 3ème. La nouvelle année a commencé. Nous avons rejoint l'internat au lycée Mathieu Bouke. Les cours avaient repris et les nouveaux professeurs se présentent à leurs élèves. Parmi les nouveaux professeurs deux avaient particulièrement intrigué les élèves par leur style aussi bien vestimentaire que de travail.

En effet, Azodogbehou Codjo François et Houessou Codjo Paul car c'est d'eux qu'il s'agit. Le premier était professeur d'histoire et de géographie et le second, de mathématiques et physique. En fait, c'est Azodoghehou qui a été mon professeur.

Mais, connaître l'un était connaître l'autre tant ils étaient liés. C’étaient des frères jumeaux. Le professeur "Hoscop" comme son frère François, était d'un abord facile. Ils s'habillaient simplement et n'hésitaient pas à s'intégrer aux élèves et à prendre part à leurs jeux et discussions.

En plus, Hoscop avait alors un physique rondouillard et un visage bon enfant. Le lycée les avait immédiatement adoptés et quand en plus de leurs cours accessibles, ils s'étaient donnés la mission d'éveiller nos jeunes consciences à la politique, à l'amour de la Patrie ; ils étaient devenus nos modèles. C'était à l'époque des Révolutionnaires dont l'ambition affichée était de faire de nous des disciples de Marx, Lénine et Mao.

Personnellement c'est d'eux, notamment de Azodogbehou, que j'ai eu le petit livre rouge. Nous étions enthousiastes et certains d'entre nous étudiaient avec sérieux - avec leur concours et parfois seuls - le marxisme léninisme et le maoïsme, leur adaptation créatrice aux réalités modernes à travers l'expérience chinoise. Ils nous ont donné le goût de la politique et ont développé en nous l'amour de la Patrie, de l'Afrique ; et chez leurs disciples les plus avancés, l'adhésion à la cause du prolétariat. Les deux Codjo étaient simplement nos héros. Nous étions prêts à mourir pour les idées révolutionnaires désormais nôtres, mais également pour eux.

Tenez, une grève nationale a été déclenchée. Les autorités gouvernementales d'alors ont cherché sans succès à briser la grève. Ils décident d'arrêter nos deux professeurs accusés d'être les meneurs. Une escouade de gendarmes investit le lycée, arrêtant Hoscop et François. Cependant, le camion dans lequel ils furent jetés ne pût quitter le lycée car sur une centaine de mètres, nous étions couchés sur la route empêchant de nos corps, le camion de rouler sauf à rouler sur nous. Ce fut encore les deux professeurs qui descendirent du véhicule pour négocier son départ ; ce que nous avons fini par accepter de mauvaise grâce. Nos deux professeurs furent arrêtés et conduits en "lieu sûr". La grève réussit et c'est en triomphe qu'ils revinrent quelques jours plus tard. Plus que des héros, ils devinrent des idoles.

Leur travail politique ne fut pas vain car de nombreux cadres politiques, dirigeants de notre pays et des Révolutionnaires (PCD) sortirent des rangs du lycée Mathieu Bouke. Plusieurs années plus tard, la Révolution de 1972 survint, Hoscop et son frère jumeau y adhérèrent contrairement à certains de leurs anciens disciples. Hoscop fut nommé Sous-Préfet de Tanguieta qui était chez moi. Il fut donc nommé Chef de District ; c'était l'appellation d'alors. Fidèle à ses idées révolutionnaires, il y organisa la lutte des classes opposant les paysans aux commerçants qui les exploitaient. Les commerçants qui habitaient la ville s'empressèrent d'organiser une marche sur le district, prenant en étau le Chef de District. Avertis et sous la houlette du maire Mondja Gratien, les paysans descendirent telle une nuée de la montagne et des villages encerclant la ville, armés de flèches et de lance, en tenue ancestrale de guerre. Ils délivrèrent leur Chef de District bien aimé des mains des commerçants qui n'eurent la vie sauve que grâce aux étudiants du FACEEN et des sages qui intervinrent auprès des « masses populaires » survoltées. La guerre civile entre la ville et la campagne fut évitée de justesse.

Hoscop avait gagné la confiance des populations comme il en avait le don et jusqu'à son départ, il obligea les commerçants à cesser de gruger les paysans et à pratiquer des prix raisonnables.

Je sus qu'il fut compté par les responsables de la Révolution, comme le meilleur Chef de District de l'époque, bien qu'il était mathématicien parmi les administrateurs civils de formation

Je vous le dis à nouveau : votre père était un homme de conviction doté de nombreux charismes. Il était libre d'esprit ce qui ne cadre pas toujours avec la discipline révolutionnaire qui parfois prend l'allure de carcan. Cela ne m'étonne pas qu'il ait goûté à Ségbana. Votre père est né sous le signe de la balance, un artiste avec l'esprit d'indépendance qui les caractérise. En dépit des tribulations que j'ai subies de la Révolution au titre "d’anarcho gauchiste", j'ai gardé un excellent souvenir de Houessou Codjo Paul et de son "jumeaux" Azodogbehou Codjo François. Ils ont contribué à éveiller la conscience politique et patriotique de centaines de jeunes lycéens.

Cette contribution fût importante et je pense que ses enfants, sa descendance doit en être fiers. Elle doit chercher à emboîter ses pas selon les talents reçus avec l'idée que chaque génération doit en faire un peu plus que l'autre. Bon courage car Hoscop a mis la barre bien haute 😃!

Alassane TIGRI Ancien Ministre Ancien fonctionnaire de l'organisation internationale de la Francophonie

Bonjour cher.e.s tous et toutes,

En clôture du mois d'hommage à M. Codjo Enianloko, une émission est prévue pour le 1er novembre 2020, à 12 h. Nous vous reviendrons avec davantage de précisions, plus tard. Merci de votre indulgence.

La publication des témoignages prendra fin au plus tard le 31 octobre 2020. Par contre, les témoignages que nous recevrons après le 31 octobre seront précieusement conservés et mis en valeur ultérieurement. Nous garderons le registre ouvert jusqu'au 15 Novembre prochain.

Pour nous Joindre:

Par courriel: enianlokir@yahoo.fr Par WhatsApp: + 1 (514) 298-1504 Par Messenger: Aimerwi Mylife

Merci à toutes et à tous!