Chronique Pince-sans-rire: Du bavardage à l'éducation alternative, Droit de Réforme

Lors de sa tournée nationale, le président Patrice Talon avait qualifié l’enseignement de ne produire que pour « le bavardage ». D'où l'importance d'une réforme du système éducatif béninois pour l’adapter aux réalités du pays avec des formations plus pratiques. Il continue en disant : ‹‹(...) C’est ce bavardage qui conduit chaque année de milliers de jeunes au chômage. » Ces arguments démontrent aujourd'hui qu'il est d'autant plus important de mettre l'accent sur l'obligation de réformer l'éducation au sens étroit et la connaissance au sens large au Bénin. Le problème de l'éducation est réduit à la simple quête d'une meilleure finalité professionnelle ou en des termes quantitatifs : « Plus d'enseignants qualifiés», « Plus de compétences », « Plus de diplômés», « Plus de formations professionnelles », « Plus de métiers pratiques » , etc. Par là, on masque tel un #31#, la difficulté majeure que révèle l'échec de toutes les réformes successives de l'enseignement.

Comment réformer l'institution si les esprits sont restés dilettantes? D'où l'importance de la réforme des esprits comme étape fondamentale, précédant la réforme de l'institution proprement dite. Mais aussi simple qu'elle apparaît elle reste alambiquée. Car tel un serpent qui sans cesse se mord la queue, on ne peut pas réformer les esprits, si l'on n'a pas réformé les institutions...

Paradoxe? Peut-être car il n'y a pas une issue logique à cette impasse. On pourrait verser dans "le bavardage", rien qu'à essayer. Qui a dit que le bavardage était inutile et abject? Il faut des combats, du temps, des efforts et des débats pour cette réforme des esprits, de la pensée puisse s'amorcer.

Rousseau dans l'Émile soulignait l'aspect de l'éducateur, qui face à son élève, cherchait à apprendre à vivre. Les études, l'enseignement, l'éducation nous apprennent-ils à vivre? Non. Car vivre s'apprend par ses propres moyens, ses propres expériences parfois avec l'aide des livres, de l'entourage proche ou pas.

La configuration de l'enseignement aujourd'hui au Bénin et dans le monde en majeur partie, ne permet pas à l'étudiant lambda en fin de formation de vivre en tant qu'individu capable d'affronter les problèmes de son quotidien. Je ne nie pas que l'histoire, la mathématiques en tant que disciplines transversales contribuent d'une façon ou d'une autre à une insertion dans la vie professionnelle. Toutefois, il manque au système éducatif la réelle possibilité d'affronter les problèmes fondamentaux de l'individu avec comme pour seules armes, des disciplines scolaires et universitaire limitées uniquement à de simples connaissances et au savoir savant.

Je l'écrivais dans l'une de mes chroniques sur l' état de l'éducation, il faut substituer à l'actuel système d'éducation, un nouveau , qui doit être radical et opposé à l'ancien. Ce nouveau système d'éducation doit prendre en compte cinq points essentiels : 1. Un dialogue entre les acteurs concernés par l'éducation nationale. Par acteurs, j'inclus les APE, souvent laissées pour compte quand ne servant pas de reliques pour les gouvernants et cadres ministériels ; les parents d'élèves premiers éducateurs ; les assistants sociaux et les psychopédagogues. Ce dialogue doit situer le nouveau statut de l'enseignant béninois. Je préconise un statut similaire à celui du médecin et des avocats.

2. La réforme de l'éducation doit être fondée autour de la reliance comme développée par Marcel Bolle de Bal dans les années 70 du 20ème siècle. Ce qui inclurait de doter les apprenants de la capacité à penser les problèmes non seulement individuels mais aussi collectifs. D'où l'enseignement aux ambivalences , à l'ambiguïté, bref à la rationalité. Qui dit rationalité évoque la théorie, qui se développe autour de la thèse, l'antithèse et de la synthèse ; la critique et l'autocritique. De même, il faudrait renforcer l'enseignement par la scientificité, la modernité, l'évolution culturelle et le développement durable adapté à cette évolution. 3. Inclusion à tous les niveaux de l'enseignement de la primaire au supérieur des matières telles que : la lecture du roman (plus comme évasion immaginaire subjectif mais comme moyen de connaissance de la subjectivité humaine); l'éducation civique et culturelle; l'écologie; la cosmologie ou l'univers; la compréhension et la connaissance de l'humain; la connaissance de la connaissance car le système éducatif béninois fournit à toutes les échelles actuellement, des connaissances sans enseigner le sens de la connaissance. En d'autres termes, il ne se soucie pas de faire connaître ce qu'est "Connaître", c'est-à-dire les dispositifs cognitifs, les incertitudes, les erreurs, les risques... 4. Formation d'une nouvelle génération d'éducateurs qui exercent par passion d'éduquer et non pour survivre. Ces derniers, doivent retrouver dans l'exercice de la profession d'éducateur, d'enseignant, le sens d'une mission à la fois éthique et civique afin que chacun de leur apprenant, élève et étudiant puisse affronter les problèmes de sa vie privée, de sa vie de citoyen béninois, de se préoccuper de l'avenir de son entourage, de sa communauté, de sa commune, de son département, de son pays et même de l'humanité. 5. La réforme de la pensée. C'est l'essence même de la réforme de l'éducation. Elle est inséparable de la réforme de l'éducation. Même si cela ressemble à une contradiction, seuls les esprits réformés pourraient réformer le système proprement dit. Les deux réformes sont réalité en continuité récursive, l'une produit ou productrice de l'autre.

Il est essentiel de rappeler que la toute première vérité pédagogique émanant de Platon disait que : « Pour enseigner, il faut de l'éros». Donc le désir, la passion et l'amour. Sans l'amour véritable pont entre la connaissance et l'apprentissage, pas d'évolution de l'enseignement. De l'enseignant à l'apprenant en passant par le parent d'élève. Le Bénin gagnerait à adapter à ses réalités historiques, cultuelles et culturelles, le système éducatif scandinave. On n'est pas trop loquace sur l'option, pourtant celà semble si important pour avoir un système de qualité qui s'inscrit dans la durée. Les pays comme la Suède, la Norvège ou encore la Finlande s'inspirent des expériences Montessori, Freinet, Steiner et autres en adoptant des pédagogies actives. À titre d'exemple : en Finlande à propos des enseignants : ils ne sont en classe que quatre heures par jour et ont deux heures de formation continue durant chaque semaine, ils ont une maîtrise entièrement financée par l'état et un salaire de 29 000$ pour les débutants dans la profession. Quant aux élèves, ils commencent l'école à 7 ans et ne sont pas évalués durant 6 ans. De même, les classes scientifiques sont limitées à 16 élèves, les récréations journalières durent 75 minutes par jour et plus de 30% des apprenants reçoivent une aide spécialisée de l'État durant plus de 9 ans de scolarité. Le taux de réussite eu égard à tout ce qui précède est parmi les meilleurs dans le monde et 93% des élèves réussissent leurs études secondaires. Ce qui traduit une dynamique éducative efficiente.

L'éducation alternative est la voie ...la réforme le moyen.