Pince-sans-rire : Tchad, Idriss Déby Itno la fin d'un cycle

Par Amzath Abdoulaye, Consultant Politique

Le Maréchal Idriss Déby Itno, traverse sans aucun doute, les heures les plus éprouvantes de ces trois dernières décennies, passés à la tête du pouvoir exécutif du Tchad, et ce, en pleine période électorale.

Au moment même, où les peuples de l'Afrique de l'Ouest désespèrent de la montée du virus du troisième mandat, le président tchadien veut briguer un sixième mandat consécutif, à la magistrature suprême du Tchad, un paradoxe manifeste au principe universel de la démocratie, qui prône la limitation du mandat présidentiel. Le recul de la démocratie sur le continent africain prend désormais des proportions inquiétantes.

Cet état de chose a alimenté ces dernières semaines les débats autour de la question de la légitimité d'un chef d'État ayant passé plusieurs années au pouvoir sans partage et de la capacité de réaction d'un peuple éprouvé.

Tel qu'on s'y attendait, les multiples alertes de la communauté internationale n'y ont rien fait. Comme quoi, contester un sixième mandat d'Idriss Déby Itno est vu un peu comme la fameuse sonnerie du téléphone qui grésille au milieu de la tempête.

Un mandat de trop?

Qualifier le sixième mandat de trop voudrait dire que les cinq précédents furent légitimes? Oui et non. Déjà en soit, le contexte d'un sixième mandat s'avère compliqué car plusieurs événements se sont succédés et ont mis le Maréchal sur un siège brûlant et éjectable. Après plusieurs tentatives valeureuses mais infructueuses, des rebelles dans le Sud de la Lybie, de renverser l'ordre et le désordre établis depuis trente ans, on s'attendait à un sursaut populaire spontanée pour faire fléchir et réfléchir le régime IDI, en vain. Plusieurs révoltes, manifestations et protestations furent réprimées dans le sang, quand elles ne sont pas noyées dans les menaces proférées par les sbires d'un régime militaire camouflé par une "démocrature" pure et dure.

Le cas du Soudan voisin

Le cas de l'ancien président soudanais Omar El-Béchir, aurait dû éclairer le président tchadien. Car, même si les signes annonciateurs de la chute du régime étaient latents, personne n'avait prévu un départ aussi rapide de l'ancien homme fort de Khartoum, qui a malgré tout résisté au Darfour, à la scission du pays en deux, et à plusieurs guerres ethniques et militaires.

Ainsi le cas de jurisprudence révolutionnaire du voisin soudanais aurait dû aider le Maréchal à opérer des choix forts au profit d'un peuple qui réclame de plus en plus une démocratie et une gestion plus transparente des ressources du pays pétrolier.

L'impact de la crise sanitaire

Par ailleurs, on se demande si la crise sanitaire n'a pas précipité le régime d'Idriss Déby Itno dans une spirale négative ? Primo, les Tchadiens n'ont pas trouvé un sens à la gestion de la crise de la Covid-19 par le gouvernement. En effet, dès le début de la pandémie en mars 2020, des mesures jugées "dures" furent prises par l'État. Cette série de mesures a profondément affecté le quotidien du tchadien lambda.

De l'aéroport fermé, les premiers mois durant, en 2020, au confinement général en passant par le couvre-feu instauré dans plusieurs régions et l'état général d'urgence déclaré par le chef d'État en personne, la situation économique du pays s'est enlisée. Or, une économie délétère peut être le facteur déclencheur d'une révolte qui peut conduire à une révolution, comme durant les printemps arabes et la chute d'Omar El-Béchir. De plus, en marge de cette gestion calamiteuse, il est évoqué dans les coulisses un grave conflit d'intérêt, qui est matérialisé par la signature d'une convention signée entre la première dame tchadienne Hinda Déby, et le gouvernement dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de coronavirus. Cette démarche traduit un Tchad handicapé par un népotisme à une très grande échelle.

En définitive la Covid avec ses 140 morts au pays de Tou-maï aura fait moins de victimes en 365 jours que le régime sanguin de Déby en un mois.

Une campagne tumultueuse

À l'instar du célèbre opposant Saleh Kebzabo, qui s'est retiré de la course aux élections pour dénoncer une caporalisation de la campagne présidentielle et l'attaque ignoble du candidat Yaya Dillo Djerou, plusieurs voix s'élèvent au sein de la classe politique et même au sein du parti politique, le Mouvement Patriotique du Salut (MPS) parti historique du président Idriss Déby, afin sonner le glas d'un régime qui a visiblement dépassé les bornes.

Ce dimanche 28 février, les lignes téléphoniques furent coupées par le gouvernement en riposte à la grogne qui s'élève sur les réseaux sociaux et dans tout le pays.

Idriss Déby Itno est au crépuscule d'une longue gouvernance qui dévient sénile en plus d'être inefficace. Pire, cette dernière estime que tous les moyens sont bons pour museler le peuple qui ne réclame que son pain quotidien en plus de ses droits. Toutefois, il a toujours les coudées franches pour corriger le tir et faire en sorte que le Tchad ne sombre pas dans un nouvel conflit interne.

L'équilibre de la région en dépend, car un Tchad fragile renforcera le terrorisme au Sahel et pourrait même s'étendre en Afrique de l'Ouest. Le Tchad mérite un nouveau départ démocratique sur des bases d'une assise nationale de toutes les forces vive de la Nation tchadienne.