À la faveur du conseil des ministres du 09 Juin 2021, l’État béninois a décidé de céder les stations-services de la Société Nationale de Commercialisation des produits Pétroliers (SONACOP) à deux sociétés privées à savoir ORYX BENIN et BENIN ENERGIE.
Entre 2016 et 2020, la SONACOP a agonisé. En 2016 déjà, le ministre du Commerce, M. Lazare Sèhouéto, avait par un arrêté suspendu M. Iréné Agossa, alors Directeur Général de la SONACOP, ainsi que 3 autres cadres à savoir l'assistant du Directeur Général, le Directeur Commercial ainsi que le Directeur Financier. Dans les coulisses, on évoquait déjà la privatisation de la Société d'État. Le 09 Janvier 2020, les députés de la 8ème législature ont, au cours d'une plénière consacrée aux questions adressées au gouvernement, recommandé la privatisation de la SONACOP.
Comment en est-on arrivé là ?
La réponse se trouve certainement dans l'audit entrepris dès la suspension en 2016 du Directeur Général par l'Inspection Général du Ministère (IGM), organe rattaché à la Présidence de la République.
Selon de nombreuses voix, les malversations organisées par certains cadres béninois ont participé à la faillite de la SONACOP. Nous vous exposons ici, un système entretenu depuis des années par certains cadre ennemis de la Nation. Ce système qui, à priori ne révèle apparemment aucun problème grave, a constitué un rouleau d'étranglement empêchant le développement naturel de la structure étatique.
Pour leurs besoins en produits pétroliers, les administrations publiques ont régulièrement recours aux Tickets-Valeur (TV) sensés pré-payés par l'État auprès de la SONACOP. Ces TV sont ensuite redistribués aux cadres et fonctionnaires de l'État pour leurs besoins dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions.
Certains bénéficiaires de ces TV ont instauré un système pervers leur permettant d'échanger les TV contre du numéraire.
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Supposons que le Ministère de l’Économie et des Finances dote mensuellement un de ses Directeux Généraux (DG) corrompus de TV d'une valeur de 400.000 FCFA. Ce DG est sensé s’approvisionner en essence auprès de la SONACOP uniquement.
Pour des raisons malsaines, le DG avide d'argent, décide de revendre ses TV au Président Directeur Général (PDG) d’une entreprise locale pour la somme de 300.000 FCFA. Ensuite, le DG se contentera de s’approvisionner en essence frelatée communément appelée "Kpayo" pour la somme de 200.000 FCFA au cours du mois. Ainsi, le DG peut empocher allègrement les 100.000 FCFA restants.
Le PDG connaissant la qualité de l’essence vendue à la SONACOP, vient ainsi de profiter frauduleusement d’une situation alléchante lui permettant de gagner 100.000 FCFA en argent comptant sur le dos de l'État.
Les perdants sont à la fois le Ministère public et la SONACOP.
Le Ministère de l’Économie et des Finances perd doublement car seule la moitié de la valeur en TV, soit 200.000 FCFA, sera effectivement utilisée pour faire rouler le véhicule du DG. Compte tenu de la mauvaise qualité du Kpayo, le véhicule que le ministère a mis à disposition du DG corrompu risque de se retrouver régulièrement en panne et engendrera de fait des coups de réparation supplémentaires au frais du contribuable.
À cela s'ajoute le manque à gagner non négligeable au niveau de la SONACOP. Le PDG connaissant la qualité de l’essence vendue à la SONACOP, s’est substitué au ministère pour s’approvisionner en produits pétroliers.
Normalement, la SONACOP aurait dû faire une recette de 800.000 FCFA au cours d'un seul mois si le DG et le PDG n'avait échangé les TV contre du numéraire. En tout, sur les 9,6 millions de FCFA qui aurait dû rentrer dans les caisses de la SONACOP, seul la moitié, soit 4.8 millions, rentreront au cours de l’année.
À cause de ce système, savamment entretenu par certains cadres des administrations publiques, on peut aisément soutenir que la SONACOP a perdu l’équivalent de la valeur des TV échangés de façon numéraire.
Que faire pour dissuader ces fonctionnaires corrompus ?
Une des possibilités consisterait à dorénavant personnaliser les TV, de sorte que seuls les bénéficiaires puissent avoir le droit de s'approvisionner en produits pétroliers contre échange de leurs TV personnalisés.
Dernièrement, 3 pompistes de la société JNP ont été interpellés pour avoir échangé des TV contre du numéraire. Devant le juge, deux (2) des criminels ont avoué avoir reçus les TV de leurs supérieurs afin de les échanger contre du numéraire à la demande des usagers des stations JNP moyennant 5 à 8% de la valeur des TV en jeu.
Ce dernier point met en évidence, entre autre, que la privatisation de la SONACOP à elle seule n'est pas la solution.
Histoire de la SONACOP
La SONACOP est née le 04 décembre 1974 par décret 74. 320, de la fusion de six (06) sociétés pétrolières internationales opérant sur le territoire national à savoir : Mobil, BP, SHELL, TOTAL, TEXACO, AGIPP et de la DEPP cogérée par les six (06). Elle a donc hérité de ces sociétés leurs procédures de gestion qu’elle s’est appropriée qui a fait le bonheur et la fierté de tout le peuple béninois. Elle a connu depuis sa création en 1974 des moments de gloire jusqu’à la libéralisation du secteur pétrolier en 1999. La SONACOP est caractérisée par une culture d’entreprise très forte. La période de 1974 à 1994 a été donc caractérisée par la nationalisation et l’exercice par la SONACOP du monopole d’importation, de stockage et de distribution des produits pétroliers.
Ulrich Tevi