AME, l'aube nouvelle attendra encore

Elle dure, la longue nuit qui jette ses ombres sur l'école béninoise. La révélation du Bénin dans ce secteur pourtant vital à l'oeuvre de reconstruction nationale tarde à se concrétiser. L'école béninoise agonise du fait du mépris dont sont victimes les plus de 80% de ceux qui dignement la maintiennent sous perfusion.

Notre gouvernement semble être malheureusement dans la cécité et la surdité de cette réflexion incontestable de Benjamin Disraeli : «De l'éducation de son peuple dépend le destin d'un pays». C'est triste d'en arriver à ce sinistre constat de l'action publique de gens qui pourtant proclament à la face du monde que leur ambition est de relever et d'élever le Bénin dans le succès, le progrès et la grandeur. Ça préfère débourser des millions, non, des milliards pour l'érection de monuments à la gloire et à la mémoire de l'histoire pendant que ceux dans les mains de qui l'on confie l'avenir et le devenir des enfants de ce pays, censés ouvrir leur cœur aux valeurs civiques et patriotiques, ploient sous le poids presque de l'indigence, pendant qu'on ôte aux façonneurs d'âmes et d'esprits leur dignité de père, de mère, d'époux, de fils, de filles depuis trois mois. Pendant que, admiratifs devant les jardins, les monuments, les œuvres d'art, dans les honneurs républicains, les acteurs du pouvoir célèbrent la bravoure et l'héroïsme des figures historiques et en appellent à la fierté des béninois, près de trente mille jeunes sont jetés à la misère le temps des vacances, après avoir été surexploités pour des salaires misérables, et ont le cœur rempli d'amertume et se questionnent comme Hugo: «Progrès dont on demande : "Où va-t-il ? Que veut-il ?" Qui brise la jeunesse en fleur ! Qui donne, en somme, une âme à la machine et la retire à l'homme ! »

AME du Bénin, l'aube nouvelle attendra encore. Ils n'ont que faire de nos conditions exécrables. A nos incessants appels au mieux être, ils répondent par le silence, par le mépris et ou par rupture de contrat. Évidemment, les œuvres d'art sont plus utiles que nous autres, les partis politiques qui bénéficient des milliards comme subventions sont plus utiles que nous, petits enseignants de la République. Et d'ailleurs, comment cela pouvait en être autrement quand on est en face d'une gouvernance qui dévalorise le labeur d'honnêtes et modestes gens qui sont insigniants, méprisables à ses yeux ? Quand le Conseil National de l'Éducation est rempli de fonctionnaires qui devant l'injustice et le déclin de l'école, préfèrent se cacher dans leurs bureaux pour mériter leurs gros salaires, quand des prétendus spécialistes de l'éducation et le corps de contrôle en face des conditions prohibitives à toute performance éducative, se comportent en charlatans de l'école et taisent la vérité ! Quand des acteurs de l'école (inspecteurs, conseillers pédagogiques, directeurs, censeurs et autres) jouent les indifférents face aux traitements inhumains infligés à une partie de leur personnel pourtant rompus à la tâche !

C'est en pères, c'est en mères, c'est en époux et épouses, c'est en fils et filles blessés et meurtris de cette nation que nous regardons cette République qui nous tourne le dos. Et pourtant, nous ne demandons qu'un traitement plus décent et de plus digne. Chers amis, chers collègues AME, la FéNaCEPIB salue votre courage et votre dignité et vous invite à avoir foi en les temps à venir. L'aube nouvelle n'est pas pour aujourd'hui. Nous en appelons à la conscience et à la juste indignation qui doivent engager chaque citoyen de ce pays. Le Bénin n'appartient pas à ceux qui aujourd'hui nous gouvernent, pas plus qu'il n'a appartenu hier à ceux avant eux. Restons donc debout, l'aube nouvelle finira pas arriver.

La FéNaCEPIB