Une entreprise genevoise au cœur d'une opération d'influence des Émirats arabes unis

L'entreprise Alp Services, basée à Genève, a orchestré une vaste opération d'influence pour le compte des Émirats arabes unis (EAU) de 2017 à 2020. Cette opération comprenait la collecte de données privées, la désinformation et des tentatives d'influence politique. Ces informations ont été révélées par des documents confidentiels obtenus par Mediapart et partagés avec la RTS.

Alp Services a ciblé des personnes et des organisations soupçonnées d'être proches du Qatar ou de la mouvance des Frères musulmans en Europe, y compris en Suisse. L'entreprise a compilé plus de 1000 noms, adresses et parfois même des numéros de téléphone portable de personnes vivant en Suisse, en France, en Belgique, en Angleterre, aux Pays-Bas, en Italie, en Allemagne et en Autriche. Ces données ont été livrées aux services secrets d'Abu Dhabi sous forme d'infographies.

En plus de cette collecte de données, Alp Services a lancé des campagnes de désinformation dans de nombreux pays européens. L'entreprise a écrit des articles de blog mélangeant le vrai du faux, envoyé des informations biaisées à des journalistes, modifié des pages Wikipédia et influencé des résultats de recherche sur Google. L'objectif était de présenter certaines personnes ou organisations comme étant proches des Frères musulmans, liées à des terroristes ou financées par le Qatar.

Parmi les personnes ciblées en Suisse, on retrouve Pascal Gemperli, secrétaire général de l'Union vaudoise des associations musulmanes (UVAM), et l'islamologue Tariq Ramadan. Des organisations comme la fondation Alkarama, active dans la défense des droits humains dans les pays du Golfe, et le Conseil central islamique ont également été visées.

L'opération a été validée par un agent des services de renseignements des EAU et son supérieur, le Sheikh Ali Saeed al-Neyadi, un membre des hautes sphères du pouvoir émirati. L'objectif était de cibler deux des principales bêtes noires du régime d'Abu Dhabi : le Qatar, son rival politique et économique, et l'organisation des Frères musulmans, considérée par l'émirat comme un groupe terroriste.