Le Togo traverse une période critique de son histoire politique avec la proposition de révision de sa Constitution. Au centre des discussions, l'article 59 attire particulièrement l'attention, stipulant que le Président de la République est élu pour cinq ans, renouvelable une fois, et que cette disposition ne peut être modifiée qu'à travers un référendum. Cette exigence soulève une interrogation fondamentale : l'Assemblée nationale peut-elle modifier à elle seule le régime présidentiel sans passer par le peuple ?
L'article 144 de la Constitution établit le cadre de révision, permettant l'initiative au Président et aux députés, et requiert une majorité des quatre cinquièmes des députés pour l'adoption. En l'absence de cette majorité, le projet adopté à la majorité des deux tiers doit être soumis au référendum. Cette procédure garantit théoriquement que les modifications importantes de la Constitution, y compris le changement du régime politique, reçoivent un large soutien, soit directement au sein de l'Assemblée, soit par le peuple lui-même.
Or, la proposition actuelle de révision soulève des inquiétudes quant à sa conformité avec ces principes démocratiques. Le passage à un régime parlementaire, tel qu'il est discuté, pourrait concentrer le pouvoir au sein de l'Assemblée nationale, questionnant ainsi la balance des pouvoirs et le rôle du suffrage universel dans la désignation du chef de l'État. Cette initiative est perçue par certains comme une tentative de contourner les limites du mandat présidentiel et d'assurer une mainmise sur le pouvoir par le parti majoritaire, dans un contexte où le dialogue politique est souvent marqué par des tensions.
Au cœur de cette controverse se trouve la notion de souveraineté populaire, inscrite dans l'article 4 de la Constitution, qui affirme que la souveraineté appartient au peuple, exercée directement par référendum ou par ses représentants élus. La démarche actuelle de révision, en évitant potentiellement un référendum pour une question aussi cruciale que le régime politique du pays, pourrait être vue comme un affront à cette souveraineté populaire.
Dans une démocratie, la Constitution représente le socle des règles du jeu politique, garantissant les droits et les libertés, ainsi que l'organisation et le fonctionnement des pouvoirs publics. Toute modification de ce document fondamental doit être mûrement réfléchie, transparente, et inclusive, respectant le principe de la participation citoyenne. Le débat autour de la révision de l'article 59 du Togo et, par extension, de la structure même de son régime politique, est donc un test significatif pour la démocratie togolaise.
La question reste de savoir si le Togo saisira cette occasion pour renforcer ses institutions démocratiques, en assurant une consultation populaire pour les décisions qui façonneront l'avenir du pays, ou si les tensions politiques l'emporteront, laissant de côté les principes de transparence et de souveraineté populaire. Dans ce contexte, la responsabilité des acteurs politiques est immense, car les yeux de la nation et de la communauté internationale sont tournés vers eux, dans l'attente d'une démarche qui respecte la volonté du peuple togolais.