DAKAR, Sénégal - Les électeurs sénégalais se sont rendus aux urnes ce dimanche dans le cadre d'une élection présidentielle particulièrement disputée, venant clore des mois d'incertitude et de troubles qui ont ébranlé la réputation de stabilité démocratique de cette nation ouest-africaine, dans un contexte régional marqué par de multiples coups d'État ces dernières années.
Cette élection survient après que le Président Macky Sall a tenté sans succès de reporter le scrutin du 25 février à la fin de l'année, déclenchant des protestations violentes. La constitution lui interdisant de briguer un troisième mandat, le vote se déroule pendant le Ramadan, mois sacré durant lequel les musulmans pratiquants jeûnent du lever au coucher du soleil.
Dès les premières heures, des files d'attente se sont formées devant les bureaux de vote, tandis que les rues de Dakar restaient largement désertes. L'élite de la police nationale, déployée dans la capitale en véhicules blindés, contrôlait les cartes d'électeurs. Les résultats sont attendus pour la semaine prochaine.
À l'approche du scrutin, l'opposant Ousmane Sonko, récemment libéré de prison, a suscité un regain d'enthousiasme pour le concours électoral. Empêché de se présenter en raison d'une condamnation antérieure pour diffamation, il soutient son principal allié Bassirou Diomaye Faye, également libéré la semaine dernière.
Khodia Ndiaye, une cuisinière de 52 ans, a exprimé son soutien à Faye, voyant en lui une chance pour Sonko de l'emporter. "Je suis fière d'avoir voté," confie-t-elle. "Nous avons besoin d'un nouveau président car la vie est chère, l'économie est en difficulté et nos écoles doivent s'améliorer."
Les enjeux économiques préoccupent de nombreux votants sénégalais, avec une économie mise à mal par la hausse des prix de l'alimentation et de l'énergie, en partie due à la guerre en Ukraine. Presque un tiers des jeunes Sénégalais sont au chômage, poussant des milliers d'entre eux à risquer leur vie dans des voyages périlleux à la recherche d'emplois en Occident.
Le Sénégal se distingue dans une région où l'armée a renversé des gouvernements civils au Mali, au Niger et au Burkina Faso. L'élection représente la quatrième transition démocratique du pouvoir depuis l'indépendance du pays en 1960.
Malgré cette tradition démocratique, le processus électoral a été entaché par la violence et les arrestations de centaines de manifestants de l'opposition. Avec 19 candidats en lice, dont une femme, cette élection enregistre le nombre le plus élevé de candidatures de l'histoire du pays.
Les analystes prévoient qu'aucun candidat n'obtiendra plus de 50 % des voix, rendant probable un second tour. Outre Faye, les candidats incluent Amadou Ba, ancien Premier ministre, Khalifa Sall, ancien maire de Dakar sans lien de parenté avec le président, et Idrissa Seck, ancien Premier ministre du début des années 2000 et second lors de la présidentielle de 2019.
Ce scrutin sénégalais, tenu dans un contexte de défis économiques et de tensions politiques, souligne la soif de changement d'une population jeune et de plus en plus mobilisée. La stabilité démocratique du Sénégal, un phare dans la région, se trouve ainsi mise à l'épreuve, illustrant l'importance cruciale des voix de chaque électeur dans la détermination de l'avenir du pays.