Un communiqué solennel, une alerte à la dérive, et un appel au respect. Le Comité des Rites Vodun du Bénin (CRVB) a publié ce 12 septembre 2025 un message ferme à l’endroit de ceux qui, sur les réseaux sociaux ou dans leurs prêches religieux, se livrent à des propos blasphématoires, hérétiques et profanateurs à l’encontre du Vodun et de ses dignitaires. Une prise de parole historique qui témoigne de la montée des tensions entre traditions spirituelles africaines et courants religieux importés, notamment évangéliques.
Dans ce communiqué signé par le Professeur Mahougnon Kakpo, président du CRVB et figure éminente de la scène intellectuelle béninoise, le ton est grave. Le texte dénonce les attaques répétées contre le Vodun, cette religion africaine plurimillénaire souvent caricaturée comme un ensemble de pratiques occultes, voire diaboliques, alors même qu’elle reconnaît l’existence d’un seul Dieu suprême – Mawu (ou Mahu), dans la cosmogonie fon – à l’instar des religions abrahamiques.
Ces dernières années, des prédicateurs autoproclamés et influenceurs religieux, souvent formés dans des écoles de théologie étrangères, s’attaquent frontalement aux religions traditionnelles africaines. Dans des vidéos virales, des “hommes de Dieu” traitent les cultes Vodun de “pactes démoniaques”, assimilent les masques sacrés à des “esprits impurs”, et appellent leurs fidèles à “brûler les autels ancestraux”. Une violence symbolique constante, camouflée sous un vernis chrétien, mais qui constitue une atteinte grave à la liberté religieuse, à la paix sociale et à l’identité culturelle du continent.
Contrairement à la vision simpliste qui le réduit à une succession de rituels ou de cultes de possession, le Vodun est une cosmologie complexe, structurée autour d’un monothéisme hiérarchisé. Mawu, Dieu unique et créateur, règne au sommet du panthéon. Les différents Vodun – Sakpata, Dan, Hêviosso, Mami Wata ou encore Oro – ne sont pas des divinités indépendantes, mais des manifestations spécifiques, des puissances naturelles et spirituelles émanant de Mahu, le Dieu suprême et unique. À travers eux, les énergies fondamentales de la vie – santé, foudre, mer, fertilité, justice, etc. – se révèlent et s’équilibrent dans le monde.
Cette approche théologique indigène, transmise depuis des siècles, fait du Vodun un système religieux complet, doté de règles morales, de rites initiatiques, de temples, de clergé, de prescriptions de vie communautaire, et surtout, d’une reconnaissance grandissante à l’international comme patrimoine immatériel de l’humanité.
Ce que dénonce aujourd’hui le CRVB, c’est la banalisation d’un discours de haine, souvent toléré voire encouragé par certaines églises ou mouvements religieux néocoloniaux. Le discours antitragique porté par certains pasteurs contribue à creuser un fossé identitaire entre Africains eux-mêmes : d’un côté, ceux qui assument leurs racines spirituelles ancestrales, de l’autre, ceux qui les rejettent comme “païennes” ou “sorcellaires”.
Le Vodun ne cherche pas à imposer sa vision. Il demande respect et reconnaissance. Et comme le souligne le professeur Kakpo, il s’agit avant tout de préserver un patrimoine commun, non seulement béninois, mais africain :
Dans son communiqué, le CRVB interdit formellement toute publication ou propos à caractère profanateur, et annonce que des mesures judiciaires seront désormais engagées contre les contrevenants. Cette posture marque une judiciarisation des offenses religieuses envers les cultes traditionnels, longtemps laissés à la seule régulation sociale ou spirituelle.
Un message fort à l’heure où plusieurs pays africains entament un réveil identitaire et spirituel, réévaluant leur rapport à la religion, à la mémoire, à l’histoire coloniale.
Le respect de la foi chrétienne ou musulmane est une norme sociale largement acquise au Bénin. Il est temps que la même exigence soit appliquée au Vodun et autres spiritualités africaines. La liberté d’expression ne doit pas devenir un alibi pour le mépris, la diffamation ou l’ethnocide spirituel.
Ce que le Comité des Rites Vodun demande aujourd’hui, c’est l’égalité de traitement des religions devant l’espace public, les médias et la loi. Et en cela, c’est un combat pour la justice, la paix et la dignité culturelle.